C’est en combattant avec les Alliés en France pendant la première guerre mondiale que James Norman Hall et Charles Nordhoff se sont rencontrés, pour ensuite devenir un des plus célèbres tandems d’écrivains de l’entre-deux guerres. Ils étaient tous les deux américains, collaboraient tous les deux à la revue Atlantic Monthly, avaient tous les deux appartenu à d’autres corps d’armée avant de se retrouver pilotes dans l’Escadrille Lafayette. Bien que de tempéraments et d’environnements différents, ils devinrent amis immédiatement ; leur amitié se prolongea après la guerre et eut pour résultat la combinaison de leurs talents respectifs dans la rédaction de bestsellers que l’on continue à imprimer plus d’un demi-siècle plus tard :
Les Révoltés de la Bounty, Dix-neuf hommes contre la mer, Pitcairn (la trilogie de la Bounty fut publiée en 1936, la dernière réédition de la traduction française chez Phébus/Libretto date de 2002), L’Ouragan (dont Dino de Laurentis a tiré un film en 1979, Hurricane), etc.
Hall est né à Colfax, dans l’Iowa, où il a fait ses études à Grinnell College et obtenu un Ph.D. (l’équivalent d’un doctorat) à l’âge de vingt-trois ans. Nordhoff est né à Londres de parents américains, a grandi dans le ranch de son père au Mexique, en Basse-Californie, mais c’est à Harvard qu’il a décroché son A.B. (licence de lettres). Ils étaient nés tous les deux en 1887. En 1920, après la guerre, ils se rendirent à Tahiti où ils décidèrent de s’installer, se marièrent, eurent des enfants et vécurent le reste de leur vie.
Ils collaboraient depuis si longtemps qu’ils se connaissaient parfaitement dans leur façon d’écrire et leur styles respectifs. Par souci d’uniformité, chacun avait fait des concessions, de sorte
qu’avant même toute correction ou relecture — ils poussaient l’exercice jusqu’à se relire et se corriger mutuellement — il était quasiment impossible de savoir lequel des deux avait écrit telle ou telle page. Ainsi, contrairement à d’autres tandems célèbres où l’on se partageait le travail (l’un fait les recherches, établit le scénario, tandis que l’autre se consacre plutôt à la rédaction elle-même, comme Boileau et Narcejac, ou Erckmann-Chatrian par exemple), Nordhoff et Hall se répartissaient le travail de rédaction par chapitres, après avoir ensemble mis au point le déroulement de l’histoire. Il ne restait plus ensuite qu’à retoucher tel ou tel détail : pour l’essentiel, ils écrivaient exactement de la même façon. Mais il faut dire aussi qu’à cette époque, les normes littéraires étaient beaucoup plus précises que de nos jours. Il s’agissait moins de trouver une écriture originale, voire provocatrice, que de se conformer à une approche classique dont la clarté narrative était la qualité principale, dans la tradition des raconteurs d’histoires anglo-saxons.
Ils écrivaient aussi, et publiaient, chacun de leur côté ; mais aucune de leurs œuvres « individuelles » n’eut jamais le succès de ce qu’ils écrivaient ensemble. Ainsi ce Panne Sèche (No More Gas) qu’Hollywood choisit de porter à l’écran, comme d’ailleurs cela avait été le cas dès 1935 pour Le Bounty (avec Clark Gable et Charles Laughton). Mais, pour Panne Sèche, c’était hélas à une époque peu propice, en 1941, l’année de Pearl Harbour… Le roman, en tout cas, n’a pas une ride. Mieux, il recrée l’ambiance du Tahiti des années 1930 au point qu’il mériterait de figurer sur les rayons Histoire et Sociologie des bibliothèques du Fenua.
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